« FAIRE LE MAXIMUM AVEC LE MINIMUM »
AU GAEC DES PLATANES, TOUT EST MIS EN OEUVRE POUR VALORISER LES PRODUITS ISSUS DE L'EXPLOITATION DIVERSIFIÉE. GRÂCE À UNE GESTION RIGOUREUSE, LES ASSOCIÉS SE PROJETTENT DANS L'AVENIR AVEC CONFIANCE MALGRÉ LA CONJONCTURE INCERTAINE ET UN QUOTA LIMITÉ PAR UTH.
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AU GAEC DES PLATANES, À BUELLAS, DANS LA PLAINE DE L'AIN, toutes les productions (lait, viande, poulets label fermier de l'Ain) ont enregistré, en 2009, une chute du prix de vente (de 6 % pour les veaux à 20 % pour les taurillons). En lait, la hausse du litrage (45 913 l) n'a pas suffi à compenser la baisse importante du prix (- 68,19 €/1 000 l). Malgré la perte de la moitié du revenu l'an passé, les associés restent confiants dans l'avenir. Avec 180 000 l de lait par UMO, l'exploitation ne dispose pourtant que d'un quota limité. Bien loin des capacités de production des grandes fermes de l'ancienne Allemagne de l'Est (1 200 vaches sur 3 000 ha) que Jean-Claude Blanc, l'un des trois associés, a visité dernièrement. « Avoir grand ne signifie pas forcément avoir de bons résultats, note-t-il. L'important est de savoir gérer ce que l'on a. »
DES VÊLAGES ÉTALÉS POUR DU LAIT D'ÉTÉ MIEUX VALORISÉ
Économe, l'exploitation a fait sienne la devise « Faire le maximum avec le minimum ». Ici, tout est mis en oeuvre pour valoriser les produits issus de l'exploitation diversifiée. Très vigilants sur la qualité du lait de leurs 80 montbéliardes*, les éleveurs ont étalé leurs vêlages tout au long de l'année pour produire du lait d'été mieux rémunéré. Selon les années, quatorze à vingt inséminations artificielles charolaises sont réalisées sur les vaches les moins intéressantes. En fonction de leur période de naissance, les mâles sont vendus à trois semaines ou engraissés en baby. Les génisses sont gardées et mises à l'embouche (de quatre à dix selon les années).
Une même attention est portée aux dépenses. Pas question ici de faire du drainage systématique. Pour assainir les sources dans les pentes et les mouillères dans les plats, on se contente de poser un bout de drain. L'évacuation de l'eau est effectuée dans un souci d'efficacité et d'économie. « Sans trous, les débits des chantiers sont améliorés et le matériel est préservé. » Une même rigueur prévaut pour l'alimentation des laitières. Malgré une base de maïs conservée toute l'année (20 kg minimum) et un troupeau dont l'effectif a doublé au cours des dix dernières années, les éleveurs veillent à valoriser leur herbe en la fauchant ou en la faisant pâturer jeune. Au printemps, les vaches sont sorties dès que les terrains portent, idéalement le 20 mars.
UN CHOIX DE GESTION SERRÉ PARTAGÉ PAR TOUS
Les prairies de ray-grass anglais-trèfle blanc, environ 36 ha répartis en sept parcelles, sont déprimées et exploitées dans le cadre d'un pâturage tournant (30 ares par vache, 40 ares l'été). Les vaches ne restent jamais plus de deux jours de suite dans la même parcelle. Pratiqué à 100 % depuis quatre ans, l'enrubannage qui s'est substitué à l'ensilage, permet une gestion de l'herbe à la parcelle. Fauchés deux fois par an, les refus sont ramassés. Ils servent à pailler les taureaux ou sont consommés par les génisses. En éliminant chardons et rumex, les agriculteurs favorisent la propreté des prairies et la qualité des repousses.
Cette gestion serrée que Jean- Claude Blanc a héritée de son père, qu'il a « toujours vu rogner sur tout », est partagée par les deux associés qui l'ont rejoint successivement en 2000 et 2005 : Philippe Bonne, son beau-frère, et Michel Blanc, son cousin. Créé il y a dix ans avec Philippe, le Gaec des Platanes produisait alors 239 000 l sur 67 ha. Il s'est agrandi cinq ans plus tard avec l'arrivée de Michel, installé alors sur la commune voisine. « Avec 16 ha et six bâtiments de volailles (trois pour les poulets label et trois pour les canards), Michel s'interrogeait sur l'avenir de son exploitation, expliquent Philippe et Jean-Claude. Une occasion de reprendre 37 ha avec un quota de 111 000 l se présentait à lui. Sans bâtiment adapté pour faire du lait, il envisageait de s'orienter sur les céréales et la viande à partir d'un troupeau allaitant. Or, à Buellas, nous avions de la place en bâtiment pour faire plus de lait sans investir. »
UN BÂTIMENT AGRANDI ET VOLONTAIREMENT SURDIMENSIONNÉ
Agrandi en 1996, le bâtiment, construit en 1984 par le père de Jean-Claude, pouvait en effet abriter jusqu'à 86 laitières alors qu'il n'en hébergeait alors que 40 (pour un quota de 239 000 l). Il n'en était pas sous-utilisé pour autant puis qu'il abritait aussi toutes les génisses du troupeau, les taries et les taurillons.
Comme son père l'avait fait quatorze ans auparavant, Jean- Claude avait volontairement surdimensionné son bâtiment dans la perspective d'un développement ultérieur. « J'ai toujours été convaincu qu'on n'irait pas en reculant. Alors, tant qu'à déposer un permis de construire et à payer un architecte, autant faire grand dès le départ pour être tranquille par la suite. » Un raisonnement permis par la maîtrise de l'investissement liée à l'auto-construction (54 878 € à l'époque). « Nous avons tout fait nous-mêmes : les 800 m2 d'extension, la fosse à caillebotis et la pose des cornadis. Nous avions alors plus de temps disponible qu'aujourd'hui : l'exploitation ne faisait que 55 ha. Mon père, encore disponible, m'aidait à faire les champs et la traite. »
Bon négociateur, Jean-Claude avait également discuté les prix des matériaux et fait en sorte qu'ils viennent directement d'usine. Dans la foulée, avec l'aide d'un beau-frère maçon, Jean-Claude avait construit sa maison. En 2005, après avoir arrêté le canard, Michel a rejoint le Gaec. Outre la chance de récupérer du quota supplémentaire, l'arrivée d'un troisième associé permettait d'améliorer les conditions de vie de Philippe et de Jean-Claude. À trois, il est plus facile en effet de se remplacer et de se libérer.
Effectuée par croît interne, l'augmentation de la production laitière liée à l'élargissement du Gaec a été anticipée l'année d'avant. « Nous avons gardé plus de génisses, » précise Philippe. Avec l'arrivée de Michel, l'exploitation a été réorganisée, toujours dans un souci d'efficacité et d'économies. Moyennant un investissement de 3 000 €, les anciens bâtiments des canards ont été équipés d'une aire paillée, d'un couloir d'alimentation raclé et d'un cornadis. Disposant de fosses suffisantes et donc aux normes, ils permettent de loger 48 génisses d'un an et de stocker de la paille. Techniquement, ils donnent entière satisfaction.
PAS QUESTION DE ROGNER SUR LES PRÉLÈVEMENTS
« Les croissances des génisses sont bonnes », note Lorris Germain, du Contrôle laitier, qui effectue un suivi régulier des animaux. Hébergées sur le troisième site de l'exploitation, là où habite Philippe, les génisses de deux ans peuvent sortir sur des prés contigus à leur bâtiment. Cette réorganisation a généré un gain de temps. « Transporter les génisses en bétaillère d'un site à l'autre est plus vite fait que de transporter les fourrages ou d'évacuer le lisier », notent les éleveurs. En 2009, avec un prix du lait à la baisse (243 €/1 000 l au plus bas en mars sans déclassement de qualité), un maïs de moindre qualité mis en service en septembre (trop sec et donc moins digeste) et en l'absence de prêt de quotas sur la campagne 2009-2010, les éleveurs ont ajusté leur stratégie alimentaire pour conserver une bonne efficience économique. Ils ont choisi de réduire le niveau et le coût de la ration, tout en gardant un nombre de vaches important pour remonter rapidement en production si nécessaire. En pensant qu'en 2010, il y aurait des prêts de quotas. À juste titre puisque la laiterie a annoncé, en septembre dernier, des allocations provisoires de 5 %.
En 2009, les agriculteurs ont également différé le renouvellement d'un tracteur, et les dépenses de l'exploitation ont été encore un peu plus serrées. Pas question par contre de rogner sur les prélèvements. « Nous tenons à garder une certaine qualité de vie, soulignent les éleveurs. Il est hors de question de vivre avec 1 000 € par mois. La chance d'avoir des bâtiments corrects et amortis nous sauve un peu. » Chance ou prévoyance ? En 1996, plutôt que de reprendre des terres, Jean-Claude avait en effet préféré investir dans l'agrandissement de son bâtiment.
Même si les prix du lait se sont améliorés les derniers mois, les associés du Gaec se préparent à vivre encore un temps une période pas facile. « L'économie générale va mal, ce qui pèse sur le pouvoir d'achat des ménages, et donc sur la vente de nos produits. La sortie de crise sera longue. Pour l'instant, lelait reste la production la plus régulière, alors que la viande recule, et que le poulet tient à cause du contrat qui nous lie à la filière. » Représentant 34 % du chiffre d'affaires, l'atelier volailles pèse beaucoup moins dans le résultat. « On brasse beaucoup d'argent pour un revenu limité. Malgré tout, tant que Michel sera là (encore au moins huit ans d'ici son départ à la retraite), nous comptons garder cet atelier. Il a en effet son intérêt dans l'équilibre global de l'exploitation. Il absorbe une partie des charges fixes et génère une production de fumier qui réduit les achats d'engrais. »
« ON A DÉJÀ CONNU DES PÉRIODES DE DOUTES »
Tout en estimant difficile de mesurer l'impact de la suppression des quotas sur leur exploitation, les éleveurs de Buellas restent optimistes. « On a déjà connu des périodes d'incertitudes et de doutes, rappelle Jean-Claude. En 1984, année de mise en place des quotas, on s'interrogeait : “Faut-il encore faire du lait ?” Avec 120 000 l, l'exploitation était alors mal placée. Il a fallu des années pour monter en volume. »
« En 1994, avec la Pac, c'étaitégalement tout foutu. On est toujours là, même si les choses ont beaucoup changé. »
Alors que Michaël, le fils de Jean-Claude, envisage de s'installer, le Gaec aura-t-il les moyens d'assurer un quatrième revenu ? « Si des agriculteurs arrêtent de faire du lait, il y aura des possibilités de se développer, estime Jean-Claude. Mais si tout le monde reste et veut encore en faire plus, ce sera compliqué. » En attendant d'y voir plus clair, l'exploitation se prépare. Le bail à long terme des derniers terrains pris en fermage a été ainsi repris au nom de Jean-Claude. « Cela facilitera une transmission éventuelle le moment venu. » Évolutif, le bâtiment des laitières peut encore être agrandi de l'autre côté du couloir d'alimentation. Autre marge de manoeuvre, la case occupée actuellement par les quatorze taurillons pourrait être vidée et utilisée pour loger les taries. Au Gaec de Buellas, rien n'est laissé au hasard.
ANNE BRÉHIER
* 205 000 leucocytes/ml en 2009-2010 au Contrôle laitier, avec un effectif de 72 VL (154 000 lors de la campagne précédente), soit moins que la moyenne départementale (287 000).
Les fourrages, les céréales et les tourteaux nécessaires à la fabrication des rations sont stockés à quelques dizaines de mètres du bâtiment des laitières et à proximité de la case des babys.
Autoconstruit en 1984 puis agrandi en 1996, le bâtiment de Buellas abrite les laitières et les veaux jusqu'au sevrage. Propriété de Jean-Claude, il est loué au Gaec. C'est aussi le cas des poulaillers de Michel.
D'une épi 2 x 5 en 2000 (26 000 - , les éleveurs sont passés sept ans plus tard à une 2 x 6. Prévue dès le départ, l'extension a coûté 5 000 -. De 1996 à 2000, les vaches étaient encore traites au pipeline.
Ancien chaudronnier, Philippe a rejoint le Gaec en 2000. Installé sans les aides, il a emprunté sur huit ans pour acquérir sa part de capital. Le fait que les bâtiments et le foncier ne soient pas intégrés au capital mais loués à leurs propriétaires (Jean-Claude et Michel) a facilité l'arrivée d'un nouvel associé.
Indispensable, le petit télescopique de 48 ch est utilisé aussi bien pour le remplissage du bol, le curage de la stabulation, le bois, ou l'empilement des 500 bottes de foin. Des rails ont été aménagés pour faire monter le valet de ferme sur la dalle où elles sont stockées l'hiver.
L'hiver, l'aire de couchage des laitières (7 m2 par vache) est paillée tous les jours par le valet de ferme équipé d'une dérouleuse. Les bouses sont retournées en fin de journée. Devant le cornadis, les vaches sont conduites sur caillebotis.
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